lundi, avril 10, 2006

Les grands sujets traités par la presse calvadosienne

L’étude des thèmes abordés par les articles est particulièrement enrichissante puisqu’elle révèle les centres d’intérêt du lecteur calvadosien. Toutefois, il importe d’en préciser une limite : l’actualité dicte en grande partie le contenu du journal. Ainsi, la présence accrue d’un thème à un moment donné témoigne d’un intérêt du lecteur pour le sujet mais obéit surtout à l’actualité immédiate.

Chaque article de la base de donnée a été classé par thèmes. Ces thèmes ont ensuite été regroupés par grands sujets. Il convient donc d’évoquer ces grands sujets qui intéressent le lecteur.

Les trois grands types de sujets présents régulièrement dans la presse

De l’incident à la catastrophe maritime

Du simple incident à bord d’une barque de pêche à la disparition corps et biens d’un navire, les mésaventures en mer sont fréquemment racontées dans la presse. Ainsi, les naufrages, les noyades, et les sauvetages représentent un tiers des articles maritimes. Cette domination ne se dément pas sur la période et le thème ne représentera jamais moins de 18 % des articles maritimes[1].

Les études sur la presse sont unanimes pour considérer que « le récit des faits divers faisait les délices du public populaire bien avant que celui se convertisse à la lecture des journaux ».[2] La presse va répondre à ce goût de l’insolite et du tragique par des récits regroupés dans une colonne « Faits divers » ou dispersés dans les pages locales. Or, la mer apparaît comme une source inépuisable de faits divers en tout genre. Les naufrages sont relativement fréquents et les tentatives de sauvetage ont une dimension épique qui fascine indéniablement l’opinion. Le goût du fait divers et la réalité des accidents en mer font que ce sujet est le plus traité dans la presse.

Marins et gens de mer

Les articles consacrés au gens de mer sont de plus en plus fréquents sur notre période jusqu’à représenter 28 % du total des articles en 1920. Puis, la part des articles sur le thème va chuter brutalement à 10 % dans les années 30. Comment devons nous analyser cette évolution ? Tout d’abord, si le thème des marins est bien le plus traité en 1920 (28 % des articles), il ne s’agit aucunement d’un accroissement du nombre d’articles mais d’une augmentation relative. Tout au long de la période, on compte un article sur le thème pour 7 à 9 numéros. Seule l’année 1910 sort du lot avec un article pour 2,5 numéros[3]. Nous pouvons donc considérer que l’intérêt pour les gens de mer est constant sous la Troisième République. L’engouement pour les questions relatives aux gens de mer en 1910 est lié au « Chéronisme », phénomène qui fera l’objet d’un chapitre particulier dans la suite de cette étude.

La question navale

La question navale est un sujet sensible dans la presse. Elle revêt une dimension politique et une dimension militaire. Au point de vue politique, on s’interroge sur les objectifs liés à la puissance maritime. La politique coloniale, la Première Guerre Mondiale et la marche au Second conflit mondial sont les questions majeures de notre période. L’aspect militaire de cette question navale correspond aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs politiques. L’évolution de la présence du thème de la question navale s’avère tout à fait conforme à nos attentes. Les articles consacrés au sujet se multiplient dans les années qui précèdent les deux guerres mondiales. Ainsi, en 1910, près d’un tiers des articles maritimes sont consacrés à la question navale soit un article dans un numéro sur deux. En 1932, nous observons le même phénomène avec 16 % des articles maritimes traitant de la question navale, contre 6 % en 1920[4]. Nous constatons donc que la question navale n’intéresse que peu l’opinion en dehors des périodes de tension.

Les autres thèmes abordés dans les articles sont traités de façon beaucoup plus marginale. On peut toutefois noter un intérêt certain pour la pêche qui parvient à représenter 10 % des articles maritimes en 1932.

La présence de ces trois grands sujets dans la presse répond à la fois aux exigences de l’actualité et aux attentes du lecteur. Pour confirmer l’intérêt du lecteur pour ces trois sujets, nous allons étudier les Unes maritimes.

Les sujets qui font la Une

L’étude de la Une est une des clés de compréhension de la presse de la Troisième République. Bien évidemment nous ne considérons ici que les journaux dont la première page se distingue des autres pages du journal. Le Bonhomme normand, par exemple, ne fait aucun effort de mise en page. Les titres se fondent dans de massives colonnes et les illustrations sont inexistantes. La présence ou non d’un événement à la Une ne dépend alors souvent que du bon vouloir de l’ouvrier typographe. En revanche, la plupart des journaux qui ont suivi l’évolution générale de la presse française apportent un soin tout particulier à la mise en page de leur Une. Un gros titre à la Une peut permettre de convaincre le lecteur occasionnel d’acheter le journal. D’autant que ce sont les gros titres qui sont criés par les marchands de journaux ambulants ou qui sont les plus visibles dans les kiosques de gare.

Le choix des articles dépend parfois des préoccupations du moment, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales. Mais il est souvent dicté par l’actualité immédiate. D’une façon générale, c’est l’événement qui crée la Une. Le monde maritime occupe la Une des quotidiens caennais près d’un jour sur deux. Il importe donc d’étudier les thèmes maritimes qui font la Une[5].

Le thème des gens de mer est celui qui figure le plus à la Une. Un quart des Unes maritimes est consacré à ce sujet. Les gens de mer font la Une dès lors qu’ils créent l’événement, c'est-à-dire lors des conflits sociaux et des grèves. L’exemple le plus éloquent est celui des grèves d’inscrits maritimes du printemps 1910. De mars à mai, 40 % des numéros étudiés débutent par l’évocation de ces grèves d’inscrits.

Le naufrage d’un navire est toujours un événement pour la presse. Il l’est d’autant plus quand le journaliste dispose d’informations nombreuses et de détails ou au contraire quand un mystère plane sur la catastrophe. Ainsi, le naufrage du paquebot Georges Philippar en 1932 regroupe tous les ingrédients pour devenir un événement médiatique : incendie mystérieux qui provoque une mort horrible des passagers et présence à bord de l’écrivain Albert Londres pris de boisson. Les naufrages représentent 15 % des Unes maritimes.

La présence à la une d’articles sur la marine de guerre est plus rare. Elle est de toute façon déterminée par l’actualité militaire. En 1910, un numéro sur 4 met l’armée de mer à la Une, ce qui constitue un record en la matière.

L’étude de la Une vient préciser les centres d’intérêt du lecteur calvadosien dans le domaine de l’information maritime. Cela confirme également le fait que l’actualité s’impose à la presse, y compris dans le domaine maritime.

Pour conclure, nous pouvons faire plusieurs constatations. D’abord, l’information maritime est très présente dans la presse généraliste calvadosienne. Le renouveau de la presse d’après guerre va être profitable à l’information maritime. Si la présence dans la presse d’un fait se justifie avant tout par son caractère événementiel, on peut néanmoins distinguer 3 grands centres d’intérêt que sont les accidents en mer, les populations maritimes et la question navale.

La présence du monde maritime dans la presse ne se limite pas à l’information maritime. Pour évoquer ces différentes formes de présence maritime dans la presse, nous allons en énumérer les principaux initiateurs.



[1] Annexe C, II, 1, e : Répartition thématique des articles maritimes.

[2] MARTIN (Marc), La presse régionale : des Affiches aux grands quotidiens, Paris, Fayard, 2002.

[3]Annexe C, II, 1, f : Nombre d’article moyen par thème par numéro.

[4] Annexe C, II, 1, e : Répartition thématique des articles maritimes.

[5] Annexe C, II, 1, g : Les thèmes principaux à la Une.

Aucun commentaire: