Par information maritime, nous entendrons principalement les articles ou les quelques lignes consacrés à un aspect du monde maritime. Les résultats de l’exploitation statistique de la base de donnée révèlent trois phases dans la présence de l’information maritime.
La Belle Epoque de l’information maritime
La période qui s’étend de la loi de 1881 instaurant la liberté de la presse à la Grande Guerre est incontestablement un moment de forte présence maritime dans la presse calvadosienne. La quasi-totalité des numéros étudiés comporte au moins un élément à caractère maritime.
Le premier ambassadeur du maritime est alors l’article qui représente entre 40 et 50 % de cette présence[1]. En 1910, on compte 1,9 article maritime en moyenne par numéro contre 1,2 en 1880. On dénombre plus de 2 articles maritimes dans un numéro sur trois[2]. Ces articles sont donc de plus en plus fréquents, pour devenir presque omniprésents. Le record est détenu par le Journal de Caen du 5 juin 1910 qui ne comporte pas moins de 7 articles maritimes dont 5 à la Une.
On note également un allongement de la taille des articles[3]. Vers 1880, plus d’un article sur deux n’excède pas 10 lignes et les articles de fond sont quasi-absents. A l’aube de la Grande Guerre, les articles de moins de 10 lignes ne représentent plus que 43 % des articles et le nombre d’articles de fond s’accroît fortement jusqu’à représenter près d’un article sur 20 (soit un article de fond tous les 10 numéros en moyenne). L’article maritime occupe une place croissante dans les colonnes au fur et à mesure de la Belle Epoque.
Des articles plus fréquents et plus longs : cela laisse supposer un intérêt croissant pour le monde maritime. Cette hypothèse est confortée par l’augmentation de la part des articles à la Une. En effet, la présence à la Une d’un article maritime est rare au début de la Troisième République puisque moins de 15 % des articles maritimes sont à la Une. Trente ans plus tard, 43 % des articles maritimes sont à la Une[4].
Une autre caractéristique de cette période est l’essor d’un type de présence maritime que nous avons intitulé « Quelques lignes ». Il s’agit en fait de quelques lignes sur un aspect maritime dans un article à caractère plus général. Or, cette présence diluée du monde maritime représente 15 % du total de cette présence en 1910, soit deux fois plus qu’en 1880[5]. L’explication de cet essor est sans doute à relier avec le développement des articles de fond. Au début du XXème siècle, le goût du lectorat évolue. Le lecteur attend toujours de son journal qu’il lui apporte un moment de distraction ou d’amusement. C’est le rôle du feuilleton et des articles de faits divers. Mais le lecteur entend désormais comprendre le monde qui l’entoure. Les journalistes répondent donc à cette attente en multipliant les articles de fond. Or, les grands sujets qui passionnent l’opinion dans les années qui précédent la Grande Guerre comportent presque tous une dimension maritime. Le monde maritime peut ainsi être évoqué indirectement dans un article sur la politique coloniale, le grand commerce, ou encore la politique internationale.
Que ce soit sous la forme d’articles ou à travers quelques lignes, l’information maritime est très présente dans les colonnes des journaux étudiés. La fréquence de cette information et sa place dans le journal témoignent d’un intérêt incontestable pour le monde maritime. Nous tenterons de comprendre cet intérêt ultérieurement par l’étude des sujets de ces articles.
L’information maritime en crise aux lendemains de la Grande Guerre
La période suivant la Grande Guerre est incontestablement une période maussade pour les articles qui ne représentent qu’un peu plus de 30 % de la présence maritime[6]. Cette baisse relative et également une baisse en valeur absolue. Le nombre d’articles chute de 70 % entre 1910 et 1920[7]. L’article maritime n’est présent que dans un numéro étudié sur deux en 1920. Comment expliquer ce déclin provisoire de l’article ? Deux éléments concourent à ce déclin. D’une part, les difficultés économiques d’après guerre touchent le secteur de la presse comme les autres secteurs économiques. La crise du papier par exemple rend la parution du journal plus difficile. Les titres s’adaptent en réduisant parfois leur pagination à une feuille recto-verso. Ceci expliquerait en partie la baisse du nombre d’article. Pourtant, la relation de cause à effet entre le manque de place et la diminution du nombre d’article est démentie par deux éléments. D’abord, la nécessité de formater l’information pour satisfaire aux nouvelles conditions de publication devrait provoquer une augmentation relative des « quelques lignes ». Or celles-ci demeurent autour de 15 % en 1920[8], et nous percevons même un léger recul. Ensuite, les articles de 10 à 50 lignes représentent deux tiers des articles contre moins de la moitié en 1910[9]. Les articles maritimes s’allongent donc sensiblement.
Les exigences en matière de pagination ne justifie donc en rien la baisse du nombre d’articles. Cela ne justifie pas non plus la baisse de la part des articles dans la totalité du « maritime ». Peut être faut-il expliquer ce déclin de l’article maritime par une crise journalistique. Privés de leur liberté de discours par la censure durant la guerre, les journalistes ont dû, soit véhiculer les idées de la propagande militaire, soit taire complètement certains sujets. Nous constatons par exemple que la question navale, qui regroupe la marine de guerre ou encore la politique d’armement naval du pays, disparaît presque des colonnes en 1920. Le sujet représente 28% (73 articles)[10] des articles avant la guerre et seulement 6% (4 articles) en 1920. La censure a indéniablement entamé l’indépendance et sans doute aussi la volonté d’informer des journalistes. Le Traité de Versailles qui met fin à la Première Guerre Mondiale ne libère pas spontanément la presse. Les journalistes vont mettre quelques temps à reprendre une liberté de ton.
Nous voyons donc que la présence des articles au début des années 20 est fortement marquée par les conséquences de la guerre. Les difficultés économiques sont réelles mais secondaires au regard des conséquences de la censure sur le discours journalistique.
L’information maritime revient à l’honneur dans l’entre-deux-guerres
Dans l’entre-deux-guerres, l’article à caractère maritime reprend la croissance brutalement interrompue par la guerre. En 1910, on compte en moyenne 1,9 article par numéro étudié[11]. En 1932, on parvient à retrouver un peu plus d’un article par numéro en moyenne, soit le même taux de présence qu’en 1882. Mais la victoire la plus spectaculaire de l’article se joue au sein même de l’information à caractère maritime : l’article représente ainsi près de 60 % de la présence maritime dans la presse en 1932 (contre 48 % en 1910)[12]. Comment expliquer cette victoire de l’article ? Il s’agit tout d’abord d’une victoire relative. L’augmentation de la part des articles est surtout l’effet de la diminution de l’information pratique dans le Moniteur du Calvados. Nous reviendrons plus tard sur les raisons de cette diminution. Mais l’article s’impose également en tant que tel. Chaque numéro comporte alors au moins un article sur un sujet maritime. Quelles sont les raisons de ce retour de l’article ? L’étude de la présence à la Une des articles maritimes pourrait témoigner d’une croissance de l’intérêt du lectorat pour le sujet maritime. Dans les quotidiens, les articles sont à la Une dans plus d’un cas sur deux dès 1920[13]. Seul un article maritime sur dix était à la une des quotidiens en 1882.
La quasi-disparition des quelques lignes maritimes laisserait penser que l’information maritime se présente désormais sous la forme d’articles plus spécialisés. Il est vrai que le nombre d’articles de plus de 50 lignes atteint son record en 1932 puisqu’il représente 6 % du total des articles. Mais ce chiffre n’est guère supérieur à celui de 1910. De plus, il semble que les articles de moins de 10 lignes voient leur part augmenter encaissant probablement le contrecoup de la disparition des brèves[14]. Les journalistes préfèrent visiblement consacrer un article au maritime plutôt que de l’intégrer dans un article plus général. A la fin de notre période, l’article est plus que jamais l’ambassadeur du monde maritime dans la presse. Les questions maritimes font alors l’objet d’articles spécifiques et souvent plus pointus.
Nous pouvons d’ores et déjà constater que l’information maritime est très présente sur notre période. Si la Grande Guerre porte un coup à la présence de l’information maritime, elle va accélérer la transformation et la modernisation de la presse. Ce changement d’époque pour la presse se manifeste par la disparition du feuilleton au profit des photographies. Placé le plus souvent à la une, l’article tend à devenir un article de fond consacré à un aspect particulier du monde maritime. Il importe donc d’étudier les thèmes traités dans ces articles pour comprendre cet intérêt constant pour le monde maritime.
[1] Annexe C, I, 1 : Ventilation de la présence maritime dans la presse.
[2] Annexe C, II, 1, a : Nombre moyen d’articles par numéro dépouillé.
[3] Annexe C, II, 1, b : Evolution relative de la taille des articles maritimes.
[4] Annexe C, II, 1, c : Part des articles maritimes à
[5] Annexe C, I, 1 : Ventilation de la présence maritime dans la presse.
[6] Annexe C, I, 1 : op. cit.
[7] Annexe C, II, 1, d : Nombre d’articles en valeurs absolues.
[8] Annexe C, I, 1 : Ventilation de la présence maritime dans la presse.
[9] Annexe C, II, 1, b : Evolution relative de la taille des articles maritimes.
[10] Annexe C, II, 1, e : Répartition thématique des articles maritimes.
[11] Annexe C, II, 1, a : Nombre moyen d’articles par numéro dépouillé.
[12] Annexe C, I, 1 : Ventilation de la présence maritime dans la presse.
[13] Annexe C, II, 1, c : Part des articles maritimes à
[14] Annexe C, I, 1 : Ventilation de la présence maritime dans la presse.
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