jeudi, avril 13, 2006

La mer intéresse et fascine

L’attrait pour les phénomènes maritimes naturels


Très régulièrement et particulièrement en période estivale, la presse se fait l’écho de phénomènes naturels visibles des côtes. Le « phénomène de la barre » décrit par le Moniteur du Calvados en 1882 se produit à l’occasion des grandes marées. Il s‘agit d’une vague qui remonte l’Orne à marée montante. Nous connaissons aujourd’hui ce phénomène sous le nom de mascaret. Le journal invite ses lecteurs à se déplacer sur la côte lorsque se déroule ce phénomène. Il souligne également que « la Compagnie de l’Ouest va organiser des trains de plaisir pour emporter ces jours-là les touristes » (MDC, 18/03/1882). Une grande marée est une curiosité à part entière. Si elle a lieu un dimanche, le Journal de Caen y voit « un agréable but de promenade tout trouvé » (JDC, 17/02/1882). Il arrive également qu’un phénomène mystérieux soit expliqué par la presse. Ainsi, la phosphorescence de l’eau est expliquée par la présence à la surface de la mer de milliers de mollusques. Pour confirmer cette hypothèse, le journaliste a lancé des projectiles dans l’eau. La phosphorescence cessant immédiatement, le journaliste en déduit que les mollusques ont fuit. Nous voyons donc que la démarche de rationalité ne s’accompagne pas forcement des moyens scientifiques ! (JDC, 29/09/1882).

Les phénomènes naturels maritimes fascinent visiblement beaucoup de Calvadosiens qui se déplacent en nombre pour les admirer. La presse fait l’annonce de ces phénomènes afin que le lecteur ne les manque pas.

Les inquiétudes au sujet des produits de la mer

Les menaces réelles ou présumées sur les ressources maritimes inquiètent la presse. A la suite d’un article paru dans le Courrier des Etats-Unis, le Moniteur s’inquiète d’une surmortalité de la morue au large de Terre-neuve : « Un banc de morues mortes de 69 milles de long aurait été découvert » (MDC, 07/05/1882). En réaction à une interdiction de la vente des huîtres, la presse espère que le gouvernement va revenir sur son décret d’interdiction. Elle affirme que l’économie ostréicole aide puissamment à l’existence des populations maritimes (MDC, 09/04/01882). L’inquiétude au sujet des ressources naturelles maritimes est souvent liée au souci de préserver l’économie maritime. De la même façon, la concurrence étrangère menace l’équilibre précaire de l’économie maritime. Le 24 juin 1914, le Lexovien affirme non sans humour qu’il y a un problème des moules comme il y a un problème des Balkans. Tout deux sont d’ordre international puisque la production de moules française subit la concurrence de la moule étrangère. Le journaliste conclut : « La moule marinière sera donc française ou ne sera pas ! » La sardine inquiète également la presse. On se base sur un rapport de l’Académie des Sciences qui affirme que l’évolution du Gulf Stream menace les populations de sardines. A titre anecdotique, on note que le journaliste parle de « ces petits poissons sans tête comme les appelle Bébé ». Parmi les bébés de 1882, il y a un certain Louis Pergaud, qui a fait de la sardine le met de fête par excellence dans La Guerre des boutons (1912).

Quand le sujet maritime inspire les feuilletons

Les feuilletons qui prennent pour cadre le milieu maritime ou qui mettent en scène des gens de mer sont fréquents. Rappelons que le feuilleton est un récit imaginaire d’un quart de page à la Une, qui fait les délices du lecteur de presse de la Troisième République, et qui le fidélise (les feuilletons sont en plusieurs épisodes). Du 21 mai 1871 au 30 mai 1873, une série de feuilletons parait dans Le Pays d’Auge sous le titre « La côte normande ». L’auteur, A. Pannier, passe en revue les stations balnéaires du Calvados de Villerville à l’embouchure de l’Orne. Au premier semestre 1932, le Moniteur publie le récit des aventures d’un navire sous le titre éponyme d’ « Abeille d’Or ». Le feuilleton maritime est donc bien présent sur l’ensemble de la période. Le 18 mars 1882, à la suite du dernier épisode de son feuilleton, Georges Lalandelle expose les raisons qui l’ont convaincu d’écrire sur le monde maritime. Le feuilleton intitulé « La couronne navale » est découpé en 147 épisodes. Le premier objet de ce feuilleton est d’envisager « sous un point de vue nouveau la grande figure du capitaine, roi du bord et, à bord, maître après Dieu ». L’auteur affirme, qu’à moins d’être marin, on se lasse du récit des manœuvres et des péripéties du navire. En revanche, « l’étude des passions humaines resserrées, condensées entre les quatre planches d’un coffre flottant, et constamment près de faire explosion, présente au contraire un inépuisable intérêt » (MDC, 18/03/1882). L’intrigue repose sur les rapports conflictuels entre le capitaine et l’équipage. Tendance conservatrice oblige, c’est le capitaine qui sort grandi de l’aventure.

Le monde maritime est un sujet adéquat pour un feuilleton puisque les sentiments y sont exacerbés par la promiscuité ou par le danger permanent que représente la navigation.

La mer est une source inépuisable d’intérêt et de fascination. En se faisant l’écho des phénomènes naturels ou en publiant des feuilletons, la presse encourage l’intérêt du lectorat pour le sujet.

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